Chapitre 1 : Un Faucon dans la Nuit La petite
Chapitre 1 : Un Faucon dans la Nuit
La
petite base américaine du nom d'Optimum Alpha occupait tout le
minuscule archipel en bordure de l'Océan Atlantique.
Une
pauvre caserne militaire, quelques hangars à la tôle
rouillée s'encastraient tristement dans ce paysage
squelletique.
Une
tour de contrôle et de surveillance haute de plus de soixante
mètres se tenait perchée sur un tas de roches,
fouettées perpétuellement par les vagues.
L'Océan
Atlantique était étonnamment calme cette nuit-là,
la surface juste dérangée par de minuscules vaguelettes
troubles, restant imperturbable.
Dans
le ciel noir, la lune pâle brillait de mille feux, jetant un
éclat spectral sur les nuages effilés. Un silence
pesant flottait, et le temps semblait s'écouler le plus
lentement possible, comme s'il n'avait aucune envie de voir arriver
le matin.
Depuis
que les attaques du Soyouz s'étaient estompées, c'en
était ainsi. Le couloir maritime américain restait
inanimé.
Tout
en haut de la tour de contrôle, dans la salle encombrée
d'ordinateurs ronronnants et de câbles poussiéreux, deux
contrôleurs aériens s'ennuyaient ferme, les yeux rivés
sur l'immense horizon désert.
«Métier palpitant et à grands risques». Tu parles ... quel intérêt y'avait-il à surveiller un couloir que les Soviets n'avaient emprunté depuis des mois ? - songeait l'un d'entre eux, piquant une gorgée dans son gobelet de café.
Immonde, mais fallait faire avec.
Depuis
des mois et des mois, ils se relayaient ici, à attendre un
point lumineux sur l'écran de contrôle du radar, qui ne
venait pas.
Vraiment
du n'importe quoi. Ils seraient bien plus utiles ailleurs. Mais
l'Etat Major du Pentagone savait tout mieux qu'eux. Pas étonnant
que ce satané communiste, le général Pietr
Vassilievitch, leur pose autant de problèmes. Ces russes ...
Ce
n'est pas l'époque moderne qui les aurait ramollis, eux.
Au
bout de deux longues heures, les contrôleurs commençaient
à piquer du nez. Le passe temps favori de la base Optimum
Alpha : pioncer. Dormir pour passer le temps ...
Stoïque,
le radar continuait à tourner en haut de la régie. Un
voile de nuages s'était amassé à l'horizon, et
quelques lambeaux de frimas stagnaient au pied de la tourelle. La
nuit semblait durer une éternité.
Les
nuages sombres passaient, poussés par une brise infime, tels
un troupeau fantasque de bovins, se promenaient au gré du
vent.
L'un
d'eux semble se détacher du lot, un petit lambeau de brume qui
avait ralenti, comme mu par le désir d'abandonner son cheptel
pour se promener à sa guise.
Sauf
que ce n'était pas un nuage, mais bien autre chose.
Bip bip bip.
Le radar l'avait repéré et lançait l'alerte. Un point était apparu sur l'écran circulaire vert, réveillant efficacement les deux contrôleurs aériens. L'un d'eux s'empare de la radio et se branche sur la fréquence indiquée indiquée au dessus du point en mouvement.
- Ici Base Optimum Alpha. Veuillez-vous identifier. A vous.
Les
Soviets ... ? Enfin ... ?
Pas
de réponse autre que les parasites. Pourquoi un avion ennemi
répondrait-il, au juste ?
- Ici caserne – grésille la radio – à tour de contrôle. Au rapport, caporal.
- Avion inconnu en approche. Refuse de s'identifier.
- Tirez au bout du troisième appel. Terminé.
Le
point était visible à l'horizon, maintenant. Grand,
noir, l'avion aux larges ailes ressemblait à un énorme
aigle sombre fondant sur sa proie.
Il
ne portait aucun numéro, aucune marque d'appartenance à
une quelconque armée, rien, à part un symbole sur le
flanc qu'on avait beaucoup de mal à déchiffre à
cause du manque de lumière.
- Identifiez-vous !
Parasites
et grésillements.
Un
rire à peine perceptible.
Le
bruit des réacteurs commençait à s'amplifier,
résonnant dans la nuit. Un cri de rage mécanique,
inhumain. L'avion tournait autour de la tour.
- Dernier appel : identifiez-vous, sinon vous allez être abattus !
Toujours pas de réponse.
- Allumez les projecteurs ! Tous spots sur l'engin !
En une seconde, toutes les lumières s'allument, braquant leurs faisceaux violents dans le ciel, zébrant le ventre fuselé de l'avion noir. Les deux contrôleurs purent ainsi voir l'insigne du supersonique.
- C'est une plaisanterie ... ?! Oh, mon Dieu ... sortez les canons automatiques !
La DCA sort du sol, pointant ses gueules immondes sur le ventre de l'appareil, qui, étrangement sûr de lui, ne tentait aucune manoeuvre d'esquive.
- Il est armé ! Feu à pleine puissance ! FEU, FEU !
Ricochant, éraflant et arrachant des morceaux infimes de fuselage à l'avion, les balles passent pourtant sans lui infliger de dégâts sérieux. Alors que l'avion le plus coriace de l'armée soviétique aurait été disloqué en quartiers sous l'impact des balles ultra-explosives, celui-ci était resté en l'air.
- Deuxième salve ! Tir à volonté !
Pendant
plus de deux minutes, les balles anti-intrusion ricochent sur les
ailes de l'avion noir, explosant autour de lui comme un feu
d'artifice mortel.
Quand
la salve s'arrête, l'avion était toujours là.
L'un de ses réacteurs fumait, il lui manquait une grande
partie du fuselage et la structure métallique d'une de ses
ailes avait été mise à nu.
- Au Nom de Dieu, qui êtes vous ?!
- Dieu, z'est moi ! - ricane une voix.
Quelque
chose de blanc se détache d'une aile de l'avion. Une étincelle
vive, et l'énorme missile file vers la tour de contrôle,
apportant avec lui un sifflement moqueur. Un temps mort.
Puis,
dans un bruit assourdissant, la tour de contrôle explose, telle
un flambeau. S'écroulant sur elle même, elle part vers
l'arrière, ses morceaux s'abîmant dans l'océan
avec de grands crépitements d'eau et de feu.
- Ici Base Optimum à Tour de Contrôle ! Répondez ! A vous ... tour de contrôle, répondez ! A vous ... que ce passe-t-il ?! Qui sont-ils ?! Répondez, c'est UN ORDRE !
- Crr ... crr... crr...
La radio sombrait dans les abysses de l'Atlantique. L'avion noir, long d'à peine trente mètres, manoeuvre en biais, vers la caserne.
- Envoyez des hommes dans les Newcat ! Abattez-moi-cet-engin-de-malheur !
Avant
que les trois pilotes ne puissent sortir, les hangars qui abritaient
les chasseurs ne furent que débris de métal fondu et
enflammé. Deux îles sur trois étaient en proie au
feu de l'Enfer.
A
la caserne, la panique commençait à faire surface.
- Qu'est ce qu'on doit faire, mon lieutenant ?!
- Quels sont vos ordres ?
Le lieutenant s'empare de la radio, essayant de ne pas céder à l'affolement.
- Ici Base Optimum. Veuillez vous identifier. A vous !
- Crr ... crr ... crève !
Une
autre bombe tombe à toute vitesse sur le bosquet dégarni
à côté de la caserne des hommes de rang. Les
arbres, desséchés par la soif, s'enflamment comme s'ils
avaient été arrosés d'essence.
Certains
soldats, désespérés, se mirent à pilonner
l'avion de leurs fusils d'assaut. Les ordres criés par leurs
supérieurs se perdaient dans les cris d'agonie,de panique et
du crépitement des balles.
- Mais qui êtes vous ?! - hurle le lieutenant dans le récepteur de la radio.
La seule chose qu'il entend avant qu'un troisième obus ne s'écrase sur la caserne est un rire bruyant, narquois, dément, qui retentissait encore quand l'avion noir engage une manoeuvre d'atterrissage sur la piste en flammes ...